Ce texte interroge la brusque disparition d’un mouvement squat qui, pendant une trentaine d’années, et jusqu’à la fin des années 2000, a siégé au cœur de l’urbanité genevoise. Pour cela, tirant en partie profit d’une enquête ethnographique réalisée au début des années 2000, il propose une approche sociohistorique nourrie par des entretiens et des archives conservées par d’anciens squatters. L’analyse présente d’abord l’histoire intérieure des espaces de cohabitation où les squatters ont aménagé leur existence commune, non sans vives tensions et effets d’érosion du collectif. Elle revient ensuite sur le rassemblement stratégique du mouvement autour d’un axe artistique qui a mis en question la radicalité de sa contre-culture, amplifiant une dissension interne et funeste. Finalement, l’article interroge la contribution de la culture squat à une gouvernance urbaine postindustrielle qui a su exploiter sa créativité tout en contribuant, paradoxalement, à sa normalisation.