Cet article porte sur la multiplication des dérogations relatives au repos dominical dans le commerce depuis les années 1990. L’évolution de la réglementation en la matière résulte principalement de la légalisation de pratiques précédemment jugées illégales. En effet, la mobilisation du droit par les organisations syndicales pour faire respecter le repos hebdomadaire des salarié·es le dimanche a encouragé les directions des grandes enseignes commerciales à riposter sur le terrain politique pour exiger de nouvelles dérogations. L’action de ces entreprises connaît un succès remarquable puisqu’à cinq reprises entre 1993 et 2015, le pouvoir exécutif ou législatif étend les possibilités légales de travailler le dimanche dans le commerce. Pour expliciter la capacité des groupes dominants à contester des décisions de justice contraires à leurs intérêts, l’autrice propose d’importer en France la notion de « retour de bâton » élaborée par des sociologues du droit américains. Cette notion permet de comprendre comment les victoires judiciaires des organisations syndicales des salarié·es ont incité les directions des grandes enseignes à se mobiliser pour obtenir la légalisation de leurs ouvertures dominicales. Quant aux syndicalistes, ils et elles renouvellent leur investissement dans l’arène judiciaire, car leurs nombreux succès sur ce terrain-là augmentent leur crédit et leur audience auprès des salarié·es.