Le discours sur la responsabilité sociale, ou plus largement, sociétale des entreprises (RSE) pratiqué par la plupart des grandes entreprises, qui s'est installé de plus en plus solidement au sein de la gestion comme de la communication institutionnelle, est considéré comme une innovation théorique et pratique des précédentes décennies. Il s'est, de toute évidence, établi dans la durée. Or, si l'on recherche le pourquoi de cet établissement et de ce début d'enracinement, on s'aperçoit qu'il s'agit de l'un des éléments de notre modernité qui entretient probablement des liens très anciens, jusqu'à l'époque médiévale. Qu'il s'agisse de l'enseignement des théologiens médiévaux, des montages canoniques normatifs associant droit romain et christianisme-aux racines de notre civilisation occidentale-, tout comme de la conduite des marchands et des artisans médiévaux et de la manière qu'ils avaient de gérer leurs affaires dans la cité, en application de ces normes et de ces préceptes. Il semblerait que ce soit ces problématiques anciennes qui, d'une certaine manière, resurgissent métamorphosées. Au Moyen Âge, comme le rappelle Jacques Heers (1990), le marché était placé sous la protection des seigneurs et parfois des gens d'Église. Il se constituait à l'ombre des châteaux et des églises. Contrairement à ce que l'on pense généralement, le marché n'est pas né de l'ordre naturel des choses. La définition que donnait Max Weber ([1921] : 193, 201) de la ville médiévale, en tant qu'organisation économique favorisant l'émergence de l'homo aeconomicus, l'homme économique, par opposition à l'homo politicus de la cité antique où le citoyen restait d'abord un soldat et la cité une corporation de guerriers, paraît simplificatrice. Selon Jacques Heers et Henri Jorda (2002 : 104, 122), la ville