“…À la Série Noire, collection historique et tutélaire, on publiait encore jusqu'en 2001 quatre romans par mois, dans un format qui était l'équivalent d'un livre de poche. Le Poulpe, fondé aux éditions Baleine en 1995 par Jean-Bernard Pouy, Patrick Raynal et Serge Quadruppani, reposait, sous la direction de Jean-Bernard Pouy, sur une politique éditoriale singulière : l'absence de sélection et le projet explicite de concurrencer, à travers la figure d'un héros libertaire (mais aussi à travers le rythme de publication), le succès de la série d'espionnage SAS, considéré par les éditeurs comme un désastre idéologique39 .Dans un mouvement d'expansion et d'institutionnalisation des fictions criminelles, la légitimation du genre passe alors désormais, au niveau éditorial, par une politique d'ouverture et d'hybridation, à rebours de la posture de la génération Poulpe, qui construisait la singularité du roman noir par le double crédit de la marge littéraire et de la culture militante41 . Il faut considérer en outre que, dans un contexte global de déclassement économique du secteur éditorial et de concentration de l'industrie du livre française42 , ces réaménagements éditoriaux répondent aussi parfois à des contraintes financières, dont la radicalité peut exacerber l'effet de rupture générationnelle.…”