Le genre poétique, à l'instar des genres littéraires institués (Maingueneau, 2014), ressortit à plusieurs normes constitutives de sa scène générique. Chez Alain Mabanckou 1 , par exemple, le poème, fondamentalement intimiste, mobilise divers procédés dont l'un des plus pertinents est la deixis multimodale. Celle-ci organise le sens du poème Les arbres aussi versent des larmes dont le thème principal est l'exil. Ce texte poétique, publié aux éditions L'Harmattan, à Paris, en 2001, s'organise en quatre grands mouvements qui rendent compte avec force du double et paradoxal sentiment de déréliction et d'espoir du poète. La déréliction du poète est provoquée par les crises socio-politiques, le spectacle désolant d'une terre meurtrie, et le douloureux sentiment de l'exil et de l'errance. Le poète refuse, toutefois, de se laisser abattre. En effet, malgré l'angoisse de l'exil, celui-ci ne renonce pas à son projet de revenir au « Congo natal », terre de ses Ancêtres, afin de prendre part à la reconstruction de son pays, le « pays à venir », qu'il appelle de tous ses voeux et dont l'Arbre est le symbole vivant qui ne finit pas de hanter les songes de ses nuits. Cette réalité est rendue prégnante par les déictiques multimodaux. Ces procédés prennent sens dans des comportements signifiants plus larges, notamment par leur articulation avec la corporalité (Jacquin, 2017). Le poème d'Alain Mabanckou offre donc une configuration intéressante au niveau de la subjectivité, la temporalité et la spatialité -des données complexifiées par les nombreux déplacements du sujet. L'analyse d'un tel poème ne saurait occulter son contexte de production, c'est-à-dire l'expérience personnelle du poète, supposée connue du lecteur. Pour ce faire, l'étude s'appuie sur l'approche stylistique comprise, Analyse stylistique de l'ancrage multimodal de la deixis dans Les arbres auss...