Cet article s’intéresse à une expérience spatiale, à la nature, à la forme et aux enjeux d’un « dispositif chorégraphique », c’est-à-dire à la manière dont les danseurs et danseuses s’organisent et se déplacent pendant la performance. Dans la morenada, une danse dévotionnelle exécutée lors des fêtes patronales boliviennes, ce dispositif réunit plusieurs centaines d’hommes et de femmes qui au premier abord paraissent tous danser de manière synchronisée, formant des blocs rigoureusement construits. Pourtant, une fine attention portée aux déplacements des femmes pendant la danse montre qu’elles engagent en réalité des forces de nature contraire : la volonté impérative de construire un collectif soudé mais aussi celle, à l’inverse, de se démarquer de l’ensemble. Tantôt l’effort des danseuses est porté sur la volonté de faire du semblable, tantôt celles-ci réalisent des actions perturbatrices qui mettent à l’épreuve toute l’organisation générale. Comment comprendre au sein d’une même unité spatio-temporelle la coexistence de ces deux dynamiques ? Quelles règles sociales et quelles relations féminines sont ici à l’épreuve à travers la danse et ses (en)jeux spatiaux ?