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Article publié dans Nouvelles Questions Féministes, « Les logiques patriarcales du militantisme », vol. XXIV, 3, 2005. L'affaire Germaine Berton débute le 22 janvier 1923 lorsque la militante anarchiste, alors âgée de vingt ans, abat à bout portant Marius Plateau 1 , secrétaire général de la Ligue d'Action française et chef des Camelots du Roi, dans les locaux parisiens du mouvement nationaliste. A l'issue d'un procès entamé le 18 décembre 1923 et émaillé d'incidents quotidiens, cette affaire se conclut le 24 décembre avec l'acquittement, par la Cour d'assises de Paris, de Germaine Berton. Parce que les deux protagonistes ont des positions politiques diamétralement opposées, parce qu'il s'agit d'une femme qui tue un homme, parce qu'elle agit seule et revendique le caractère politique de son geste, la résonance de cet acte en fait l'un des événements majeurs de l'année 1923 en France. L'affaire Germaine Berton voit le jour dans un climat de tensions violentes, tant sur le plan national qu'extérieur. Le Bloc national de Poincaré est alors l'artisan d'une politique conservatrice, marquée notamment par un nationalisme agressif et la répression du mouvement ouvrier communiste. Cette politique peut être envisagée comme le reflet des angoisses d'une société hantée par les ravages de quatre années de guerre. Les rapports sociaux de sexe ne sont pas exempts de ces tensions, loin s'en faut. Les relations entre femmes et hommes s'articulent dans un contexte de définition rigide des identités et des rôles, de réaffirmation stricte du féminin et du masculin. Tout écart est mis à l'index et accusé d'altérer l'état de la nation. Les propos d'un militaire pamphlétaire résument à leur façon cet état d'esprit : « Je veux indiquer que tout le mal moral résulte dans les décompositions sociales, aux heures des civilisations raffinées, du fait même que la femme se déprave, perd son caractère naturel, croit s'émanciper en s'affublant du carcan masculin. Il ne faut pas que l'homme passe de l'activité à la passivité, et que la femme de la passivité passe à l'action 2 . » En ce sens, les positions nationalistes se présentent comme garantes de l'ordre social et sexué. Comme le souligne Erika Apfelbaum (2004 :46) à propos de la conception naturaliste de l'ordre social, « stigmatiser au nom d'un ensemble de représentations et de normes qui se donnent comme des vérités « naturelles » et universelles pour mieux particulariser, et surtout exclure de l'espace social où s'élaborent les décisions concernant le contrat social font partie de l'arsenal des modalités de la domination ».
Article publié dans Nouvelles Questions Féministes, « Les logiques patriarcales du militantisme », vol. XXIV, 3, 2005. L'affaire Germaine Berton débute le 22 janvier 1923 lorsque la militante anarchiste, alors âgée de vingt ans, abat à bout portant Marius Plateau 1 , secrétaire général de la Ligue d'Action française et chef des Camelots du Roi, dans les locaux parisiens du mouvement nationaliste. A l'issue d'un procès entamé le 18 décembre 1923 et émaillé d'incidents quotidiens, cette affaire se conclut le 24 décembre avec l'acquittement, par la Cour d'assises de Paris, de Germaine Berton. Parce que les deux protagonistes ont des positions politiques diamétralement opposées, parce qu'il s'agit d'une femme qui tue un homme, parce qu'elle agit seule et revendique le caractère politique de son geste, la résonance de cet acte en fait l'un des événements majeurs de l'année 1923 en France. L'affaire Germaine Berton voit le jour dans un climat de tensions violentes, tant sur le plan national qu'extérieur. Le Bloc national de Poincaré est alors l'artisan d'une politique conservatrice, marquée notamment par un nationalisme agressif et la répression du mouvement ouvrier communiste. Cette politique peut être envisagée comme le reflet des angoisses d'une société hantée par les ravages de quatre années de guerre. Les rapports sociaux de sexe ne sont pas exempts de ces tensions, loin s'en faut. Les relations entre femmes et hommes s'articulent dans un contexte de définition rigide des identités et des rôles, de réaffirmation stricte du féminin et du masculin. Tout écart est mis à l'index et accusé d'altérer l'état de la nation. Les propos d'un militaire pamphlétaire résument à leur façon cet état d'esprit : « Je veux indiquer que tout le mal moral résulte dans les décompositions sociales, aux heures des civilisations raffinées, du fait même que la femme se déprave, perd son caractère naturel, croit s'émanciper en s'affublant du carcan masculin. Il ne faut pas que l'homme passe de l'activité à la passivité, et que la femme de la passivité passe à l'action 2 . » En ce sens, les positions nationalistes se présentent comme garantes de l'ordre social et sexué. Comme le souligne Erika Apfelbaum (2004 :46) à propos de la conception naturaliste de l'ordre social, « stigmatiser au nom d'un ensemble de représentations et de normes qui se donnent comme des vérités « naturelles » et universelles pour mieux particulariser, et surtout exclure de l'espace social où s'élaborent les décisions concernant le contrat social font partie de l'arsenal des modalités de la domination ».
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