décider le temps et le lieu où nous travaillons, et le matériel qu'il s'agit d'étudier ; la réponse est dans le concret, non dans l'abstrait » (Brailoiu 1973 : 7-8). Les ethnomusicologues devinrent plus hésitants que les musicologues à considérer l'analyse comme « cette partie de l'étude de la musique qui prend comme point de départ la musique elle-même, plutôt que les facteurs qui lui sont extérieurs » (Bent 2001 : 526), car il leur parut clair que de nombreuses représentations de la « musique elle-même » négligeaient des composantes et des dimensions considérées à tort comme « externes » ou « paramusicales ». Gilbert Rouget (1981) soutint avec conviction que les questions de transcription devaient être abordées en se référant au problème plus général de la représentation. L'analyse est mieux comprise quand elle n'est pas vue comme un ensemble codifié d'opérations effectuées sur un corpus de transcriptions, mais plutôt comme une investigation continue qui adopte n'importe quelle technique, du moment qu'elle est pertinente, à chaque étape d'un projet de recherche-y compris celle qui précède la transcription. John Blacking (1971 : 95) a brièvement énoncé une conception de l'analyse musicale que beaucoup d'ethnomusicologues partagent désormais : « Les analyses musicales consistent essentiellement en des descriptions de séquences de différents types d'actes créatifs ». Les termes clés sont ici séquence et acte. Ce choix de mots fait par John Blacking rend évident le fait qu'une séquence peut comprendre plusieurs types d'actions, ce qui confère à l'adjectif « créatif » un large éventail de significations possibles. Certaines d'entre elles, mais certainement pas toutes, ont trait à la création, la reproduction et l'adaptation de compositions ; d'autres impliquent une participation collective à des exécutions qui créent ou consolident des rapports sociaux, sans se préoccuper d'une « composition ». John Blacking s'intéressait particulièrement aux différents genres de collaboration entre les musiciens, lesquels produisent différentes séquences d'actes créatifs. Il souhaitait comprendre les sons et les gestes musicaux comme « des signes et des symboles de l'interaction entre les êtres humains » (ibid. : 108). Dans la mesure où les hommes interagissent par l'échange de signes et de symboles, on se livrera plus facilement à l'analyse de la collaboration et de l'interaction en ne traitant pas la production et la réception comme des phénomènes séparés, mais en étudiant les modes de réceptivité dont dépend la production. Dans beaucoup de genres d'exécutions, chaque « séquence à l'intérieur de différents genres d'actes créatifs » est produite par des musiciens capables d'évaluer ce qui se passe à chaque instant et d'y apporter des réponses adéquates. Leur rapide évaluation des changements de situation, ainsi que leurs réponses coutumières ou nouvelles, créent de multiples chaînes d'interprétants, pour reprendre la terminologie bien connue de C. S. Peirce. Car la pensée musicale, pas moins que d'autres modes de pensée, prend son...