L'élaboration de ce numéro de la Revue a été l'occasion de discussions avec les membres du comité de pilotage 1. Une des questions récurrentes fut de savoir s'il était pertinent de distinguer « parano 2 » et paranoïa à l'adolescence. Les discussions ont été fortes entre ceux qui considéraient ces deux termes comme à situer sur un même plan, et ceux qui insistaient sur la nécessité de les distinguer radicalement. La question ouverte était ainsi celle de la clinique. Elle constitue l'axe de cet article. Ces discussions sont symptomatiques de la situation actuelle de cette dernière. Particulièrement confuse dans sa transmission ou son application, elle se trouve mise à mal dans les institutions de soin, dans les universités de médecine (psychiatrie) ou de psychologie. Il semble qu'un véritable flottement s'observe dans la définition de ce qui viendrait fonder les entités cliniques et organiser leur classification. La définition des supports sous-jacents (paradigmes) organisateurs de la clinique est devenue floue et inconsistante. Or ces repères s'avèrent importants, d'autant que cet article s'intéresse au temps adolescent où l'expression symptomatique de la souffrance psychique est particulièrement trompeuse, redoublant les risques d'erreurs diagnostiques, lourdes de conséquences à cet âge de transition et de définition d'un projet de vie. Une prudence et une rigueur s'imposent ainsi. Cette confusion s'inscrit dans une histoire. Elle a pour point de départ la diversité des « paradigmes » cliniques présents depuis quelques années. Nous en avons repéré deux nouveaux. Celui de la perspective dimensionnelle (Widlöcher D.,1990) et celui de la classification du DSM IV. La perspective dimensionnelle trouve les principes de sa classification dans les effets cibles des divers médicaments à effets psychotropes. Ainsi, la dépression, par exemple, répond moins à une entité clinique à définir qu'à la réponse positive d'un ensemble symptomatique aux médicaments dits antidépresseurs. Le principe organisateur est ainsi celui pharmacologique. Il s'agit d'une « clinique » des effets des psychotropes. Ce sont eux qui sont le centre du principe classificateur. Pour le DSM IV, le paradigme est statistique. L'aspect symptomatique des manifestations du trouble vaut pour tout autre chose, puisque c'est de la fréquence de coprésences de certains d'entre eux que s'établit le diagnostic. Ainsi, une asthénie pour une pathologie autre que psychique (cancer par exemple) sera à ajouter à d'autres signes qui, par leur coprésence, établiront le diagnostic. La « réflexion » clinique a disparu 3 .