La réalité, c'est ce qui ne disparaît pas quand on arrête d'y croire » Philip K. Dick 1 Pour Ernst Bloch (1976), l'utopie concrète est une mise en scène idéologique qui construit une possibilité objective et réelle d'agir sur le présent afin de dessiner un avenir souhaitable. L'utopie s'appuie sur une conscience anticipante, qui ne se contente pas de rester dans l'imaginaire (où l'on pourrait facilement construire un monde idéal), mais décide de se confronter au réel pour le transformer et ainsi offrir de nouvelles possibilités à l'action humaine (Broca, 2012). À leur manière, les Expérimentations de transition écologique (ETE) se présentent elles aussi comme de telles utopies : elles proposent un récit d'anticipation, basé sur une possibilité tangible de transformation du réel, à partir de la compréhension du contexte social et écologique de sa construction. Elles formulent, plus ou moins explicitement, des politiques préfiguratives, notamment dans le cas des alternatives écologiques et post-capitalistes. Elles valorisent ainsi une intention politique émancipatrice des individus, puisqu'il s'agit de construire les conditions d'une transformation des conditions de vie de chacun, en proposant un récit basé sur la capacité d'intervention de tous.
2Pour devenir concrète, l'utopie prend forme à partir de la maîtrise d'un territoire. En 1516, lorsqu'il imagine son Utopia, Thomas More choisit l'île comme incarnation de son projet politique. L'insularité matérialise les frontières limitées d'un espace facilitant l'édification d'un contre-modèle maîtrisé 1 . Les acteurs s'approprient d'autant plus facilement les objectifs de l'utopie qu'ils ont la possibilité de la mettre spatialement et Utopie, pragmatopie et hétérotopie. À propos de quelques limites politiques d...