« Crise des réfugiés », « crise des migrants » : ces expressions dont on ne compte plus les occurrences dans les médias comme dans les discours publics sous-entendent que nous assisterions à une augmentation inédite et exponentielle du nombre d'étrangers arrivant en Europe, qui mettrait en danger ses équilibres économiques et sociaux. Pudiquement cachée derrière le terme flou de « crise », l'idée d'un trop-plein s'est ainsi largement imposée malgré l'importante production scientifique qui montre, toutes disciplines confondues, à quel point cette représentation est fausse 1. C'est pourtant autour de ce cadrage erroné que les pouvoirs publics élaborent leurs « solutions » aussi variées dans leurs formes (agir sur les causes de départ ; politique de dissuasion ; politique de répression…) qu'analogues dans leur objectif : réduire le nombre de migrants. Si ces différentes « solutions » essuient ici ou là des critiques, que ce soit pour leur manque de réalisme, d'efficacité ou d'humanité, l'une d'elle obtient en revanche une large unanimité, en raison tant de son Karen Akoka, maître de conférences en sciences politiques, université Paris-Nanterre, chercheuse à l'Institut des sciences sociales du politique (isp) umr 7220. kakokak@hotmail.com Cet article est une version partiellement remaniée d'un texte initialement paru sous le titre « Distinguer les réfugiés des migrants au xx e : enjeux et usages des politiques de classification » dans l'ouvrage Définir les réfugiés (dirigé par Michel Agier et Anne-Virginie Madeira, Puf, 2017). 1. Voir, parmi une très vaste littérature, l'ouvrage collectif dirigé par Hélène Thiollet (2016) réunissant les contributions de plus d'une trentaine de chercheurs. Réfugiés ou migrants ? Les enjeux politiques d'une distinction juridique Document téléchargé depuis www.cairn.info-Université de Nanterre