Les usages des sites de réseaux sociaux (SNS) incitent les sciences humaines et sociales à s'interroger sur les moyens par le biais desquels les utilisateurs des sites de réseaux sociaux partagent et organisent leurs informations, sur la manière dont ils interprètent et donnent du sens à ces actes d'exposition, ainsi que sur la façon dont ils les mobilisent à des fins stratégiques dans le cours d'interactions sociales. Les principaux travaux qui ont été conduits sur les phénomènes d'exposition de soi en lien avec les SNS visent une compréhension des « intelligences de la vie privée » via trois axes de questionnement touchant à la part prescriptive de la technique, à l'intersubjectivité pratique et aux compétences mises en oeuvre. Menés depuis des perspectives théoriques variées, ils ont permis d'éclairer certains traits essentiels des usages sociaux des services du web 2.0, avec toutefois une difficulté majeure pour resituer ces pratiques à l'intérieur de dynamiques sociales plus globales qui ne sauraient être de facto mises au jour depuis des intérêts de connaissance essentiellement focalisés sur le numérique (et pour certains, au surplus, sur les logiques de la modernité tardive). Aussi, en contrepoint des éclairages apportés sur les pratiques d'exposition de soi en ligne par ces diverses recherches, nous voudrions suggérer un déplacement de problématique. Plus précisément, l'option qui est ici la nôtre est de proposer d'instruire les différentes formes de mise en visibilité sur les SNS en s'appuyant sur une hypothèse générale d'évolution des normes de la contention de soi (pudeur) et de leurs transgressions.Cet article des Editions Lavoisier est disponible en acces libre et gratuit sur lcn.revuesonline.com 20 Les cahiers du numérique -n° 1/2014 « Nous n'étions pas sans pudeur, au contraire, mais une sorte de malaise nous obligeait à la braver » Georges Bataille, Histoire de l'oeil