Du surmenage professionnel au burn-out : réponses sociales et issues individuelles aux difficultés du travail d’hier et d’aujourd’hui

Abstract

De nos jours, les travailleurs affirment ne pas seulement retirer des désagréments, des insatisfactions et de la souffrance des réformes managériales post-tayloriennes, qui exigent une mobilisation de soi accrue dans le procès de production. Il arrive également que le travail soit pour eux le moyen de mettre à profit leurs talents, leur créativité et leurs compétences, bref, de s’accomplir personnellement. À partir de l’analyse de la plainte de deux formes de « pathologie » du travail, le surmenage professionnel et le burn-out, l’article cherche à comprendre de quelle manière l’intensification de la dynamique de mobilisation-rétribution de la subjectivité du travailleur orienterait, parmi d’autres facteurs, l’expérience plus ou moins satisfaisante ou douloureuse que l’individu fait du travail dans la période contemporaine.Workers today say they get more than just inconvenience, dissatisfaction and misery from post-Taylorist managerial reforms, which require them to be more involved in the production process. They say that for them work is also an opportunity to make use of their talents, creativity and skills — in short, they derive personal fulfilment from working. Based on an analysis of complaints about two forms of occupational “pathology” — overwork and burnout — this paper seeks to understand how intensification of the dynamics of worker mobilization-reward of subjectivity might, along with other factors, make the experience of the individual at work in this day and age more or less satisfactory or distressing

Entretenir les possibles

“…Ainsi, les défis croissent pour ces jeunes fragilisés psychiquement si l'on se fie aux normes et aux valeurs qui font l'organisation du travail contemporain où s'institue de plus en plus des « formes contemporaines d'entraînements de soi par Soi » (Goldschmidt Salamon, 2021). Dépassement de soi, efficience, intensification de la dynamique de mobilisation-rétribution de la subjectivité du travailleur, de nombreux observateurs s'accordent pour dire que l'organisation du travail contemporain atteint négativement la santé psychique des salariés (Clot, 2021;Kirouac, 2012;Le Garrec, 2021;Lhullier, 2008;Vézina et St-Arnaud, 2011). Couplée à l'étape à la fois fragile et charnière qu'est le devenir adulte et des enjeux de construction identitaire qu'elle sous-tend, la réalité d'un marché du travail contraignant qui soumet à forte contribution les subjectivités et les émotions des individus peut sans doute expliquer la manifestation d'une souffrance psychique amenant certains jeunes à craquer et à devoir recourir à du soin psychiatrique.…”

“…Plus directement liés à notre préoccupation pour les troubles mentaux, les travaux de Christophe Dejours sur la souffrance au travail (Dejours, 1998(Dejours, , 2018, mais aussi les contributions de nombreux chercheurs en sciences sociales ou en psychologie du travail établissent et analysent les relations entre santé mentale et organisation du travail (Clot, 2021;Clot et Lhuilier, 2010;Corbière et Durand, 2000;Hirigoyen, 2008;Le Garrec, 2012;Linhart, 2021;Rhéaume, 1993;Soares, 2003;Vézina et Saint-Arnaud, 2011;Vézina et St-Arnaud, 2011). L'extension de la souffrance au travail relevée par ces chercheurs est non seulement à lier aux dégradations des conditions dans lesquelles s'exerce l'activité professionnelle, mais est surtout à rapporter au délitement des réponses collectives données pour réguler ce phénomène social (Kirouac, 2012). En effet, en adoptant un verbiage psychosocial de « positive attitude », d'amélioration de son bien-être, de développement personnel, les organisations remettent à l'individu la responsabilité de trouver en lui la capacité de remédier à son propre mal-être et ne remettent donc aucunement en question leur mode de fonctionnement et de gestion, qui pourtant constituent bien souvent, l'explication de la dégradation de leur santé mentale (Le Garrec, 2021).…”