Le Musée des merveilles de Todd Haynes, réalisé en 2017, entrelace l’histoire de deux enfants sourds, Rose et Ben, l’une située en 1927, à la jonction du cinéma muet et du cinéma parlant, et l’autre en 1977. Un lien secret, révélé à la fin du film, unit ces deux récits, qui ont aussi pour dénominateur commun la ville de New York et deux de ses musées, le Museum d’histoire naturelle, ses dioramas et son cabinet de curiosités, ainsi que le Musée d’art du Queens, qui conserve le Panorama de New York. Ces deux espaces muséaux fascinent les deux protagonistes et le spectateur par leur puissance visuelle et spectaculaire. Ils constituent pour Rose et Ben des espaces hétérotopiques et hétérochroniques dans lesquels, comme le dit Foucault, « le temps ne cesse de s’amonceler et de se jucher au sommet de lui-même », et forment pour ces deux enfants une sorte de cocon protecteur qui va leur permettre de rebondir et de survivre malgré un double handicap, physique et familial. Notre article vise à montrer comment l’espace muséal informe le langage du film, sur le plan narratif, en constituant un espace visuel dans lequel les personnages peuvent explorer et lire leur histoire intime au sein d’une histoire collective, et sur le plan esthétique, en mettant en abyme les échanges féconds entre histoire du cinéma et histoire du musée, entre mise en scène cinématographique et scénographie muséale. Il interroge également la nature de l’émerveillement produit par ces dispositifs sur des personnages d’enfants et l’absence apparente de discours du film sur le contexte idéologique dans lequel ils ont été conçus.