Devenir une « bonne » mère. Une trajectoire balisée par l’intervention sociale

Abstract

À la naissance de chacun de ses enfants, Nora Dhamani a dérogé aux normes légitimes octroyées à la « bonne » mère dans la société française. Leur placement, peu de temps après chaque naissance, a validé sa disqualification en tant que mère. Cet article analyse la réception et l’appropriation par cette mère des normes dominantes transmises par les divers professionnels qu’elle a rencontrés au cours d’un suivi social de plus de trente ans. Comment Nora a-t-elle vécu sa disqualification ? De quelle façon s’est-elle approprié les normes prescrites par les professionnels ? Comment est-elle arrivée à se transformer et à construire une place légitime auprès de ses enfants ? L’étude de cette trajectoire vise à apporter des éléments de compréhension sur le vécu des mères de classes populaires du travail de normalisation dont elles font souvent l’objet ; des oppositions et des impositions auxquelles elles doivent faire face pour pouvoir prétendre au rang de « bonne » mère.

L’espace de rencontre

“…On attend des avancées des parents visiteurs, des progrès librement consentis, là où le dispositif, pour fonctionner, impose de nombreuses règles : ponctualité et obligation de se présenter, attitude jugée responsable durant la rencontre, s'adonner à l'échange de paroles et au jeu, etc. Certains parents visiteurs, notoirement ceux qui ont été tenus à l'écart de leur ou de leurs enfant(s) durant une longue période, éprouvent ainsi des difficultés à épouser le modèle de parentalité attendu par les juges et les éducateurs (Stettinger, 2018), au risque d'être identifiés comme déviants (Minoc, 2017) Troisièmement, le dispositif renouvelle l'assignation de l'enfant au centre du conflit des parents. Avant la mesure judiciaire, l'enfant était « tiraillé » entre les deux parents qui s'affrontaient « à travers lui » 9 .…”