Les modèles informatiques de dispersion des odeurs sont devenus depuis quelques années l’un des outils de mise en œuvre de la réglementation relative aux nuisances odorantes d’origine industrielle. Leur mobilisation récurrente dans les contextes d’implantation d’équipements polluants soulève la question de leur usage en situation de gestion de la nuisance au regard de la complexité des pratiques scientifiques, économiques et institutionnelles. Elle interroge notamment la manière dont la confiance dans les modèles se construit en situation, dont leurs utilisateurs composent avec les incertitudes et dont les résultats de la simulation informatique opèrent concrètement. Cet article montre que les usagers de ces modèles s’en servent comme des boîtes noires génératrices de représentations visuelles cartographiques visant à prédire et évaluer la nuisance. Ils sont animés par une « culture de la simulation » (Sundberg, 2010) dans laquelle les modèles sont utilisés « en surface », pour leurs résultats uniquement. Si les usages prédictifs opèrent comme des instruments performatifs, peu contestés, qui équipent les études d’impacts et font exister institutionnellement la nuisance, les usages évaluatifs sont, quant à eux, plus contrastés. La confrontation des résultats des modèles avec les ressentis expérientiels des riverains engendre un besoin de validation sur le terrain, un usage indiciel et prudent de ces simulations et une mobilisation complémentaire d’autres modes de qualification de l’environnement odorant.