L'étude des images médiatiques du crime et de la victimisation tend à ne tenir compte que des comptes rendus d'actes criminels. L'utilisation des statistiques criminelles et de victimisation, cependant, constitue un thème important quoique rarement abordé dans le cadre de la couverture médiatique d'évènements à caractère criminel. Certains sociologues constructivistes, comme Joel Best, ont affirmé que ces statistiques interviennent de facon déterminante, en tant qu'instruments de rhétorique non négligeables, dans les processus sociaux de construction et de maintien de problématiques criminelles et sociales. De telles statistiques servent à appuyer (justifier/légitimer) les affirmations concernant l'étendue (l'importance) et la portée de nouveaux problèmes, et, par là-même, la nécessité d'une action sociale sans délai.Lors de la phase initiale du processus, ces affirmations peuvent être émises par ceux qui, tout en étant dépourvus de statut officiel, sont sans doute les seuls à s'intéresser au problème naissant. L'utilité de la légitimité conférée aux problèmes sociaux par les statistiques n'est cependant pas exclusivement pertinente aux premiers stades du processus de construction. Pour demeurer à l'ordre du jour, les problèmes sociaux nécessitent qu'on les entretienne, et la diffusion régulière d'informations statistiques censées documenter les changements de portée ou d'étendue d'un problème est essentielle à cet entretien. Le plus souvent, ce sont les organismes gouvernementaux qui se chargent de rassembler et de disséminer les informations relatives à des problèmes déjà identifiés. En général, les affirmations fondées sur les statistiques concernant des problématiques criminelles ou sociales parviennent à l'attention du grand public par le truchement des mass media, tout particulièrement les médias d'information.Le présent article analyse les nouvelles portant sur des statistiques criminelles qui sont parues dans la presse canadienne anglophone au cours des années 1993 et 1994. L'examen d'une banque de données informatisée, ainsi que celui plus attentif d'articles parus lors de périodes intensives d'affirmations fondées sur les statistiques, ont tous deux abouti à la constitution d'un échantillon final de 244 articles, issus des principaux journaux et revues dans le domaine de l'actualité.L'analyse est centrée autour de deux questions principales. La première a trait aux moyens par lesquels les affirmations fondées sur les statistiques et relatives au crime et à la victimisation s'introduisent dans le circuit médiatique. Pour dire les choses autrement, quelles sont les « affirmations statistiques » relatives au crime qui attirent l'attention des journalistes, et quels sont les thèmes accrocheurs autour desquels gravitent les discussions médiatiques sur les « taux », « tendances statistiques » et « pourcentages » ? L'analyse conclut à l'existence de trois voies principales par lesquelles les statistiques criminelles sont converties en nouvelles. La première et la plus courante consiste en la présentation de do...