Dès le changement d’empire, la minorité britannique en sol « québécois » s’est intéressée à la propriété seigneuriale et elle possédera près de 50 % des seigneuries au moment de l’abolition du régime seigneurial (1854). Les propriétaires seigneuriaux de souche anglo-protestante constituent donc une quasi majorité au sein du groupe des seigneurs, mais ils n’en demeurent pas moins une composante de la minorité linguistique et culturelle « anglaise » du Québec. Or, les Campbell, Cuthbert, Christie, Fraser, Nairne, Hale ou Harwood incarnent à l’échelle locale d’imposantes figures d’altérité, tant sur le plan socio-économique que d’un point de vue linguistique et religieux. Une enquête d’histoire orale menée auprès des descendants de familles seigneuriales du Québec, dont plusieurs de langue maternelle anglaise, a révélé une mémoire qui idéalise la relation seigneur/censitaire, loin des conflits que révèlent les archives. Cette mémoire a aussi montré une affirmation de valeurs élitaires communes marquées par le bilinguisme et le biculturalisme de ces familles, valeurs transmises jusqu’à nos jours à leurs descendants.