Les différents usages du système CRISPRNous avons récemment évoqué la technique CRISPRCas9 et la crainte que cette méthode révolutionnaire de modification de l'ADN [1, 2] ouvre la voie à la modification de la lignée germinale humaine [3]. Une première tentative, pratiquée sur des embryons humains non viables, a effectivement été publiée au printemps 2015 [4]. Mais le système CRISPR peut aussi être employé pour la thérapie génique somatique, une application qui, elle, ne prête guère à la controverse. La technique présente en effet de sérieux avantages, qui pourraient rendre plus généralement applicable cette approche thérapeutique sur laquelle on avait fondé beaucoup d'espoirs il y a une vingtaine d'années mais qui -malgré quelques succès récents -est restée relativement marginale en raison de ses difficultés de mise en oeuvre [5]. On trouvera dans ce numéro de médecine/sciences une synthèse présen-tant de manière détaillée CRISPR-Cas9 et ses différents usages [6] (➜), je traiterai ici uniquement les applications envisagées en thérapie génique et les dévelop-pements commerciaux déjà engagés. Rappelons d'abord en quelques lignes comment fonctionne le procédé [1,6,7]. Il repose sur deux éléments, la nucléase Cas9 (pour CRISPR-associated 9) et un ARN appelé sgRNA (pour single guide RNA) ou, en bon français, ARNg (pour ARN guide) [6]. En fait, l'acronyme CRISPR (clustered, regularly interspersed palindromic repeats) désigne les zones d'ADN auxquelles est associée cette protéine chez les bactéries, mais c'est bien la nucléase Cas9 qui est mise en oeuvre. Quant à l'ARN, il condense en une seule molécule deux régions distinctes à l'origine dans le système bactérien, l'une responsable de l'association avec Cas9, l'autre longue de 20 nucléotides et reconnaissant la cible sur l'ADN à modifier par complémentarité Watson-Crick -d'où le double qualificatif de single et guide. En pratique, les séquences codant pour ces deux éléments (Cas9 et sgRNA) sont clonées dans un vecteur (plasmide, ou vecteur de type AAV, adeno-associated virus) portant les promoteurs appropriés, qui est ensuite introduit dans la cellule dont on veut modifier l'ADN. Le complexe Cas9-sgRNA se fixe alors sur sa cible et la nucléase y pratique une coupure double brin 1 . Si l'on a pris la précaution d'introduire en même temps un long oligonucléotide (100 à 200 bases) correspondant à la région à modifier et portant la séquence que l'on veut y introduire, la réparation de la coupure pourra se faire par recombinaison homologue et remplacera la séquence d'origine par celle que l'on a introduite (par exemple, corrigera une mutation ponctuelle présente dans l'ADN de la cellule). On voit immédiatement les avantages : on peut cibler n'importe quelle région du génome en changeant simplement la séquence du sgARN (qui doit bien sûr être choisie de manière à assurer une bonne spécificité pour éviter des modifications parasites (les off-target effects)), et on réalise tout naturellement ce qui jusque-là n'était qu'un rêve en thérapie génique, la correction d'un gène. Ju...