Les sciences de l'information et de la communication, en tant qu'elles sont des sciences du discours et de son analyse, peuvent tirer profit d'une mise en perspective théorique que suggère une lecture contemporaine de la Rhétorique ancienne afin de préciser certains problèmes scientifiques liés aux rapports entre les «textes» et leurs «lecteurs». Cette mise en perspective débouche sur une critique de la «manipulation», critique susceptible de montrer l'articulation féconde entre l'analyse des discours médiatiques et les enjeux sociaux. Elle suggère un champ d'intervention possible pour les Sic face à la prégnance de ce vocable et de cet imaginaire de la manipulation pour défendre, à l'inverse, une analyse circonstanciée des formes rhétoriques et argumentatives à l'oeuvre dans les discours médiatiques, c'est-à-dire une analyse qui prenne en compte leur «réception».Notre hypothèse est que la Rhétorique peut se lire comme une théorie de la réception, ou plutôt du public, logée à l'intérieur d'une théorie de la production du discours. Plus précisément, cette pensée du public et de la construction du sens fonde le modèle d'analyse du discours que contient la Rhétorique. Par là, la Rhétorique peut nous apporter encore aujourd'hui matière à retravailler tout autant les concepts de l'analyse de discours et de la sémiologie, que les méthodes de l'analyse, car le lien qu'elle établit entre production et interprétation du discours est bien plus qu'une « prise en compte » de la réception, ou de la pluralité des interprétations auxquelles donne lieu un «texte». Dès lors que l'on a fini par reconnaître jusqu'au bout la liberté interprétative des publics face aux textes (médiatiques), comment renouer les fils entre un discours et sa réception (Veron, 2001) ? Il nous semble qu'on peut repartir des hypothèses de la Rhétorique pour répondre à cette question.