Chapitre 12. La consommation collaborative : substitut ou complément de l’action consumériste, associative et publique ?

De la consommation collaborative à l’économie de plateformes : étude des transactions entre particuliers dans l’espace socio-numérique

“…Cet aperçu n'est donc pas à confondre avec une tentative de délimitation de la consommation collaborative. Une telle tentative serait problématique à plus d'un titre, notamment en raison de la diversité des perspectives conceptuelles au sein desquelles nous puisons les exemples que nous mobilisons pour illustrer l'équivocité de la notion (Ertz et Durif, 2017 ;Mallargé, Zidda et Decrop, 2017 ;Borel, Guillard et Roux, 2017 ;Juge et Collin-Lachaud, 2017 ;Ferrandi, 2017 ;Toussaint et Özçağlar-Toulouse, 2017 ;Benoit-Moreau, Parguel et Lunardo, 2017 ;Belleflamme, 2017 ;Acquier, Carbone et Massé, 2017 ;De Streel et Lachapelle, 2017 ;Briat, Loisel et Roux, 2017). Ainsi, les exemples cités ne sont pas admis comme collaboratifs par l'ensemble des auteurs de l'ouvrage.…”

“…On note par ailleurs que les pratiques collaboratives, notamment lorsqu'elles reposent sur l'évaluation par la foule, empiètent parfois sur le territoire d'autres institutions régies par le pouvoir social telles que les associations de défense des consommateurs (Briat, Loisel et Roux, 2017). Pourquoi en effet consulter l'Union Française des Consommateurs quand plusieurs centaines de personnes ont publiquement évalué la qualité des offres ?…”

“…De ce point de vue, l'atomisation du marché n'est pas seulement le moyen d'assurer des prix justes, comme le postule la théorie néo-classique de la concurrence pure et parfaite, mais nuit paradoxalement à l'information en rendant les corps intermédiaires moins efficaces (problème que vise à pallier l'évaluation par les pairs). Briat, Loisel et Roux (2017) montrent par ailleurs comment les entreprises collaboratives peuvent venir dynamiser le tissu associatif (comme le faisait le site peuplade.fr en organisant la coopération entre voisins). Ces auteurs évoquent enfin la façon dont, dans certains cas, les marchés dits collaboratifs peuvent tendre à se substituer à l'action publique (au sens de « étatique » et « communale »).…”

“…Nous avons également vu dans le chapitre précédent que les dispositifs participatifs de qualification des offres empiètent en partie sur le travail de ces associations. De ce point de vue, nous suivons Briat, Loisel et Roux (2017) lorsqu'ils suggèrent que la 104 consommation collaborative pourrait agir dans une certaine mesure comme un substitut de l'action associative.…”

“…Selon ces discours, la consommation collaborative consisterait alors en un ensemble d'initiatives qui viendraient éroder l'emprise du pouvoir économique sur l'organisation de la cité en réconciliant tant bien que mal les symboles de la transaction et de la solidarité. Comme le montrent Briat, Loisel et Roux (2017) avec l'exemple de la relation entre covoiturage et transports publics, elle peut ainsi se substituer à des offres assurées par l'Etat. Il est donc impossible à ce stade de dire de façon définitive si cette notion dont la société contemporaine a accouché au forceps publicitaire renforce ou fragilise les institutions associatives, étatiques ou capitalistes.…”