En 2009, l'American Heart Association (AHA) a réalisé une recommandation multisociétés sur la prise en charge de l'endocardite infectieuse [1] englobant ses aspects de pré-vention, de diagnostic et thérapeutiques. Cette recommandation a fait l'objet de plusieurs commentaires en 2009-2010 et certaines sociétés savantes les ont repris par bribes sans prendre en considération tous les aspects et détails, en particulier le volet prévention, pour l'appliquer ex abrupto à l'antibioprophylaxie (ATB-PP) lors de la chirurgie ou médecine interventionnelle.Sur la forme, il est étonnant qu'une activité aussi sensible soit ainsi relayée car, s'il est utile et souhaitable de diffuser des recommandations européennes, britanniques ou américaines pour en faire bénéficier les praticiens français en les traduisant, la rigueur voudrait qu'on en fasse une traduction fidèle, en particulier mot à mot, quitte, comme nous avons commencé à le faire en 2012, à y associer un commentaire d'expert. Ce dernier permet de replacer dans le contexte national et français ces « guidelines » qui parfois ne sont pas totalement applicables d'un pays à l'autre du fait de la prise en charge financière ou de disponibilités différentes des alternatives thérapeutiques.En effet, pour qui s'est déjà soumis au jeu des recommandations à travers un groupe de travail ou de lecture, il est bien connu que la gradation de la preuve et de la force d'une recommandation est un exercice difficile parfois périlleux qui engage le lecteur mais bien plus la profession, parfois pendant plusieurs années avec ses conséquences en pratique quotidienne. Cet épisode est d'autant plus étonnant que le relais de cette recommandation de l'AHA a été réalisé par la SFAR avec laquelle nous avons, durant les deux dernières années, travaillé conjointement, à raison de trois ou quatre réunions annuelles sur le thème de « la sédation par les nonanesthésistes ». En outre, pour réaliser ce relais, la SFAR [2] a pris garde d'inviter 14 sociétés savantes (de chirurgie esthé-tique, de l'obésité, de neurochirurgie, orthopédique, maxillofaciale, viscérale et digestive, urologique, gynécologie-obstétrique, cardiologique et thoracique, vasculaire, ophtalmologique, radiologie, d'hygiène hospitalière, pathologie infectieuse de langue française), mais pas celle d'endoscopie digestive sans que cela ne heurte la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPLIF) avec laquelle nous avions mené le consensus sur l'ATB-PP en endoscopie deux ans auparavant en 2008 [3].Sur le fond, la discussion et le trouble résident sur la pertinence de réaliser une ATB-PP systématique chez les sujets à risque d'endocardite infectieuse avant une endoscopie digestive. En effet, pour ce qui est des endoscopies interventionnelles ou thérapeutiques sans risque d'endocardite lié aux antécédents du patient [4-6], il y a une concordance depuis 1998 sur les indications et les molécules ou antibiotiques à utiliser. Cependant, cette discordance ne concerne que le sous-groupe de patients à risque d'endocardite dont la définit...