En 1998 dans son ouvrage Texte et ordinateur L'écriture réinventée ? Jacques Anis ouvrait la voie, en France, aux recherches en sciences du langage sur de nouveaux corpus médiés par la technologie. Il était à l'époque question de vidéotex (sur Minitel) et de multimédia (CD-Rom) mais également, dans les deux derniers chapitres, d'Internet (Word (sic) Wide Web et également courrier électronique) et du livre électronique. Le titre choisi pour son livre, désormais classique, illustre le point de vue issu de la culture livresque : en thématisant sur le « texte » et sur «l'écriture », ce sont par des « prises » traditionnellement associées au papier que s'effectuait la première exploration discursive 2 .Dans un premier temps, les travaux qui s'inscrivaient dans une perspective linguistique, tels que ceux d'Anis (1998) ou de Crystal (2001) se sont surtout intéressés aux variations « techno-linguistiques » ce que Crystal a appelé « the Netspeak ». Il faut également remarquer que les linguistes qui se sont montrés les plus enclins à étudier ces nouveaux corpus avaient aussi souvent un intérêt marqué pour l'informatique (Mangenot, Panckurst, Veronis). Susan Herring 3 (1996, 2004a) a, quant à elle, commencé dès le début des années quatre-vingt dix à travailler sur des questions discursives (liées à la problématique du genre ou à la politesse par exemple) dans les communications médiées par ordinateur.Ce sont précisément ces approches, moins directement axées sur les formes lexicales utilisées en ligne, mais davantage sur le fonctionnement des discours que nous allons chercher à recenser et à replacer les unes par rapport aux autres, dans l'histoire récente de ce domaine.En 2012, le paysage des communications numériques s'est transformé et diversifié. Ce n'est plus nécessairement via l'ordinateur que circulent les messages textuels et la généralisation du haut débit, la commercialisation d'objets de plus en plus miniaturisés et l'accès à des logiciels de communication gratuits ont modifié les pratiques discursives.La communication en ligne 4 renvoie à des formes diverses selon qu'il s'agisse de la production de textes fixes (par exemple, sites Web, courriels) ou de formes plutôt centrées sur les processus d'interaction et de communication (par exemple, chat, visioconférence) susceptibles donc d'être étudiées tant du point de vue de l'analyse du discours que de celui de l'analyse conversationnelle.Nous nous proposons ici de montrer dans quelle mesure les deux traditions en sciences du langage ont trouvé matière à exploiter ces corpus en ligne en empiétant, parfois, l'une comme l'autre, sur leurs « territoires » respectifs. Dans cette perspective, nous commencerons par mettre au jour l'apport des chercheurs revendiquant leur appartenance à l'analyse du discours, puis celui des chercheurs 5 relevant de l'analyse des interactions et nous montrerons les zones de tuilages entre les deux courants. Dans une dernière partie, nous nous intéresserons aux défis juridiques et techniques que doit relever le linguiste qui cherche à étudi...