À l'ombre de Cluny : l'hagiographie et la politique du portail de Saint-Hilaire de Semur-en-Brionnais

Abstract

Cette étude est consacrée à la reconsidération du portail principal de l'église Saint-Hilaire à Semur-en-Brionnais, que l'on a qualifié jadis de « copie réduite » du Grand Portail disparu de Cluny III. Tandis que le tympan ne justifie que peu cette comparaison, le linteau semble volontairement prendre ses distances avec le supposé modèle de l'église abbatiale. Une analyse du style et du thème du portail de Saint-Hilaire place la sculpture dans le contexte de l'école romane régionale du Brionnais. Mais le principal objet de cette étude est le programme iconographique et la position tant des seigneurs que de la communauté religieuse de Semur vis-à-vis des choix politiques clunisiens. Le linteau de Semur contient une des rares représentations du concile schismatique convoqué à Séleucie en 359. Selon nous, ce choix thématique est lié au schisme papal des années 1160, en particulier à ces implications pour la Bourgogne et Cluny. Un concile schismatique convoqué en Bourgogne en 1162 ainsi que l'abbatiat d'un abbé schismatique à Cluny semblent être les cibles spécifiques de l'iconographie du linteau. Par conséquent, la datation post quem de 1164 est suggérée pour le portail en question. Ainsi, une analyse minutieuse de la dichotomie modèle/copie de Cluny/Semur mène à la conclusion que le portail de Semur ne fut pas conçu comme une copie fidèle de son modèle glorifié. Il semble que la situation politique tristement célèbre impliquant Cluny et la région, a conduit les seigneurs de Semur, dans l'enceinte fortifiée desquels se trouvait l'église, et la communauté religieuse à exprimer leur désapprobation politique de Cluny par le biais de leur choix du sujet. Et dès lors, au lieu d'être un modèle glorifié, Cluny constitua peut-être un anti-modèle, servant de point de départ et de base argumentative à une forme monumentale de discours. Les convictions anti-hérétiques de saint Hilaire peuvent être interprétées ici comme mode de transmission d'un paradigme idéologique, remplaçant l'ancien paradigme de l'histoire de l'art, choisi tant par la communauté de Saint-Hilaire que par les seigneurs de Semur dans leur opposition aux schismatiques contemporains.