À travers l’analyse didactique de Il Transilvano (1593-1609) de Girolamo Diruta, cet article se propose de déterminer et de décrire la nature des savoirs mis à l’étude pour la construction de l’expertise en improvisation au clavier. Dans le but de saisir le projet didactique sous-jacent à la méthode pédagogique de Diruta, il s’agira ici d’interroger la conduite de la progression mise en place par l’auteur pour la construction de ces savoirs. L’hypothèse posée est que les savoirs savants sous-jacents aux pratiques étaient construits autour d’un corpus restreint de contenus noyaux, notamment les notions de consonance et de dissonance, de diminution et de mouvements. Ce à travers l’organisation, par le maître, de dispositifs didactiques divers visant l’appropriation, par l’élève de contenus d’enseignement et l’installation d’une mémoire du système didactique (Centeno 1995) qui permette à l’élève de construire de nouveaux savoirs à partir de « savoirs en train de se faire » (Centeno 1995, 135). Il en résulte une progression des apprentissages caractérisée par des éléments de gradualité — en l’espèce, donnée par une complexification du milieu (Brousseau 1998) au fur et à mesure que l’on progresse dans le traité, ce qui induit une prise de responsabilité croissante de l’élève dans la construction de l’expertise en improvisation. En outre, cette progression fait l’objet d’introductions d’éléments complémentaires, porteurs de contradictions apparentes dans la réalisation de la tâche. Plus précisément, ces éléments complémentaires sont liés aux différents genres musicaux présentés par Diruta, qui exigent une modification de la stratégie de résolution sans que les savoirs savants soient toujours explicités à l’avance dans la définition de la tâche proposée par le maître.